Une valve défaillante à 39 ans
Darlene avec ses fils, Jamie et Josh (de gauche à droite), peu de temps après sa chirurgie en 2001.
Le cardiologue a cru qu’il regardait l’échocardiogramme d’une autre personne : cette valve mitrale était si mal en point qu’elle ne pouvait pas être celle de Darlene Potts-Edwards.
Ce souvenir donne toujours des frissons à Darlene. Elle n’avait que 39 ans à ce rendez-vous de suivi en cardiologie pour son prolapsus mitral – une maladie valvulaire avec laquelle elle vivait depuis au moins 14 ans.
Jusque-là, sauf lors de ses examens médicaux et échocardiogrammes, elle pensait rarement à sa maladie. Elle était trop occupée à travailler à temps plein et à élever ses deux garçons actifs avec son mari à Kingston, en Ontario.
Puis, un jour, sa valve malade s’était détériorée au point de nécessiter une chirurgie à cœur ouvert d’urgence. Darlene a parlé de son expérience avec Une voix aux maladies valvulaires Canada.
Quand avez-vous appris que vous aviez une maladie valvulaire?
J’avais 25 ans, et je venais d’accoucher de mon premier enfant. À mon suivi postpartum de six semaines, l’obstétricien-gynécologue a écouté mon cœur avec un stéthoscope et m’a dit qu’il entendait un grincement aigu – comme un cri de goéland. Il m’a donc envoyée voir un cardiologue.
À mon rendez-vous en cardiologie, grâce à un échocardiogramme, on m’a diagnostiqué un prolapsus mitral avec régurgitation légère :
« Il n’y a probablement pas de quoi s’en faire », a ajouté le cardiologue. Il croyait que je n’allais pas avoir besoin de chirurgie cardiaque avant mes 70 ans.
Toutefois, il m’a recommandé de prendre des antibiotiques avant certaines interventions dentaires, ce que je fais rigoureusement depuis.
Que s’est-il passé après votre diagnostic initial?
Chaque année, je passais un échocardiogramme avant de voir le cardiologue, qui me disait : « Vous allez très bien. Rien n’a changé. »
Environ 13 ans plus tard, j’ai commencé à faire de l’arythmie. Le cardiologue m’a suggéré de prendre des bêtabloquants pour régulariser mon rythme cardiaque. À ce moment, j’ai décidé de ne rien faire : après tout, je me sentais bien.
Qu’est-ce qui a changé?
En mars 2000, alors que j’accompagnais l’équipe de hockey de mon fils aîné à un tournoi à Toronto, j’ai commencé ce qui semblait être un vilain rhume. J’étais extrêmement fatiguée. À force de tousser, j’avais l’impression d’avoir une bronchite.
Le temps passait, et mon état ne s’améliorait pas. À l’époque, à titre d’agente administrative d’un cabinet dentaire, quand je devais sortir ou ranger des dossiers dans le bas des classeurs, j’avais des étourdissements en me relevant. De plus, je toussais toujours. Je ne me sentais pas mieux. Mon médecin de famille pensait que j’avais un virus.
Cet été-là, j’étais plus occupée que jamais avec mes fils : balades à vélo, séances d’entraînement au centre sportif, etc. Mais, ma santé continuait à se détériorer. Je perdais de plus en plus facilement l’équilibre, si bien que j’arrivais à peine à faire du vélo. Je m’essoufflais à rien, et mon cœur s’emportait au moindre effort, sans compter que je toussais constamment, surtout allongée, souvent pendant la nuit.
Donc, vous étiez vraiment malade. Que s’est-il passé ensuite?
En décembre, j’ai eu un suivi avec mon cardiologue. Ça faisait deux ans que je l’avais vu – il m’avait proposé, puisque j’allais bien, d’espacer mes rendez-vous.
Ainsi, c’est à ce moment qu’il a vu une valve mitrale vraiment mal en point sur mon échocardiogramme : il croyait qu’il y avait erreur sur la personne. Nous étions tous les deux sous le choc.
Il m’a tout de suite annoncé que j’avais besoin d’une chirurgie cardiaque. Ça m’a terrifiée : je pensais à mes enfants, qui n’avaient alors que 11 et 14 ans.
Comment la préparation à votre opération s’est-elle déroulée?
On m’a orientée vers une chirurgienne cardiaque, qui nous a présenté les options de remplacement, à moi et à mon mari. En raison de mon âge, elle recommandait une valve mécanique parce que celle-ci est plus durable. Elle nous a expliqué qu’une valve tissulaire dure environ sept ans, ce qui la rend plus adaptée aux personnes âgées.
Toutefois, l’utilisation d’une valve mécanique nécessite la prise d’anticoagulants. Ça me préoccupait. Ainsi, après une longue réflexion qui tenait compte de mon mode de vie et de mes deux jeunes enfants, j’ai opté pour la valve tissulaire.
Je savais qu’elle serait à remplacer éventuellement, mais ça me paraissait être dans un futur plutôt lointain. Si j’avais su…
Comment se sont passés votre chirurgie et votre rétablissement?
Avant l’opération, j’étais très émotive. Tout ce que j’espérais était de m’en sortir vivante pour mes enfants.
Heureusement, la chirurgie a été un succès. Ma chirurgienne m’a même dit : « Vous savez, Darlene, je crois que cette valve vous durera plus de sept ans parce que beaucoup de vos propres tissus qui l’entourent sont sains. »
De retour chez moi, j’ai reçu l’aide de mes parents. Mon mari a été merveilleux, et mes garçons ont été très bienveillants et serviables. Mon fils aîné venait dans ma chambre tous les matins, avant d’aller à l’école, pour m’aider à me lever du lit. Nous avons aussi eu beaucoup de soutien d’amis. J’ai été très chanceuse.
Je n’ai pas suivi de programme de réadaptation cardiaque parce que je devais reprendre le travail rapidement. Toutefois, grâce à tous les renseignements utiles que m’a fournis mon équipe de soins à propos du rétablissement postopératoire, j’ai commencé à m’entraîner régulièrement au centre YMCA et j’ai augmenté graduellement l’intensité de mes exercices. J’ai dû faire un bon travail parce que je me suis vite sentie mieux.
Donc, votre vie a repris son cours avec votre nouvelle valve. Que s’est-il passé ensuite?
Les choses allaient pour le mieux, et mes rendez-vous annuels ne révélaient jamais de problème. Puis, du jour au lendemain, j’ai commencé à me sentir très fatiguée et à tousser beaucoup, une toux qui me donnait l’impression de me noyer.
Tout ça me faisait vraiment peur : je reconnaissais ces signes. D’ailleurs, ma chirurgie datait déjà de sept ans – presque jour pour jour.
Après une consultation, on m’a confirmé que j’allais devoir à nouveau subir un remplacement valvulaire. J’ai rencontré un nouveau chirurgien, qui m’a dit qu’une valve mécanique était, à ce point-ci, ma seule option viable : elle durerait le reste de ma vie. Ça m’allait.
Après la chirurgie, à l’hôpital, je ressentais plus de douleurs – peut-être parce que j’étais plus âgée et que j’avais des tissus cicatriciels de ma première chirurgie. Cependant, lorsque je suis rentrée à la maison et que j’ai commencé à bien prendre soin de moi, notamment avec les bons antidouleurs, je me suis vite sentie mieux.
J’avais six semaines pour me rétablir, avant que je déménage à Ottawa et que j’occupe mon nouveau poste auprès du Président de la Chambre des communes. J’ai encore géré ma propre réadaptation dans un centre sportif en faisant des exercices modérés, puis de plus en plus intenses. Je suis entrée en fonction à temps partiel environ huit semaines après mon opération.
Darlene et son mari, Roy, en 2024.
Comment vous sentez-vous maintenant?
Ma chirurgie était en 2008. Aujourd’hui, j’ai 64 ans, et je vais très bien. J’ai pris ma retraite, et j’en profite pour faire des promenades, ce que j’adore. En hiver, je foule une piste intérieure plusieurs fois par semaine. Nous avons un petit chalet où nous aimons aller, et je joue parfois au golf avec mon mari, qui se passionne pour ce sport.
Je gère bien mes anticoagulants. Je dois régulièrement vérifier mon taux de coagulation (RNI). Avant, j’allais au laboratoire une fois par mois, mais mon mari a suggéré que nous nous procurions un appareil pour la maison. C’est très pratique parce que les résultats sont instantanés et que je peux maintenant ajuster ma dose au besoin. Ça m’a pris du temps à me sentir à l’aise de le faire, mais c’est tellement plus simple comme ça.
Darlene avec Josh et Jamie en 2024.
Que conseillez-vous aux autres personnes atteintes d’une maladie valvulaire?
Peu de temps après ma retraire, j’ai rejoint le groupe Femmes@Cœur, un programme de soutien émotionnel par les pairs administré par l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa qui m’aide à composer avec la maladie valvulaire. À titre de bénévole pour ce programme, j’ai parlé avec plusieurs femmes vivant avec différents problèmes cardiaques. Elles s’entendent toutes pour dire que les diagnostics chez les femmes sont beaucoup trop tardifs.
Ainsi, je crois qu’il faut d’abord plaider sa cause, surtout les femmes. D’ailleurs, je fais beaucoup plus entendre ma voix auprès de mon équipe de soins qu’avant.
Ensuite, je crois qu’il est important de bouger et de bien manger.
Enfin, j’ai pris l’habitude de noter mes symptômes et mes préoccupations en détail dans mon calendrier. Ainsi, lors de mes rendez-vous médicaux, je m’assure de fournir tous les renseignements que je juge pertinents et je pose des questions. Après tout, la mémoire est une faculté qui oublie.